L’esprit guérit le corps
« L’exercice de la méditation, en modifiant la structure et le fonctionnement du cerveau, agit de manière positive sur la santé. Les neurosciences sont aujourd’hui en mesure de le prouver.
« L’esprit n’existe pas isolément, il fait fondamentalement partie du corps, et l’un et l’autre ne cessent d’échanger des informations d’ordre émotionnel », affirme Marc Williams, chercheur à l’université d’Oxford (Royaume-Uni) dans son nouvel ouvrage « méditer pour ne plus stresser ». En réalité, nos pensées et nos émotions influencent une grande partie de nos sensations physiques, de même que ce qui se passe dans notre corps intervient sur tout ce que nous pensons ». Et l’auteur d’assurer qu’un entraînement de l’esprit peut soulager le corps. L’exercice cérébral qu’il évoque est la méditation de pleine conscience. Inspirée des traditions bouddhistes, cette pratique vise à entraîner l’esprit à focaliser sont attention sur ses sensations, sur le moment présent, puis à apprendre peu à peu à la réguler. De nombreuses études de neurosciences, menées depuis les années 1990, prouvent que non seulement ce jeu cérébral fait du bien à notre corps, mais aussi qu’il transforme littéralement notre cerveau, sa structure et son fonctionnement… »
L’express, n°3229 – Mai 2013 Interview de Jon Kabat-Zinn en converture
Extrait
L’anxiété aurait-elle ses vertus en permettant l’adaptation à un monde changeant ?
Elle est nécessaire à la survie, mais quand on ne peut trouver un échappatoire aux dangers qu’elle signale, on se retrouve désarmé. Les souris de laboratoire, lorsqu’elles ne peuvent éviter les chocs électriques, tombent vite dans une sorte d’état végétatif. Les humains aussi sombrent dans le désespoir s’ils réalisent qu’ils ne peuvent pas améliorer leur situation.
Faut-il chercher, alors, à dominer l’anxiété ?
Non, au contraire ! Il faut plutôt lui dérouler le tapis rouge, en acceptant d’en ressentir les sensations physiques tout en prenant soin de déconnecter celles-ci du raisonnement intellectuel. C’est la pensée qui rend fou, car le mental ne peut rivaliser, en puissance avec l’anxiété. L’esprit devient alors une prison qui accentue la souffrance. Il vient légitimer l’anxiété en ressassant le sentiment d’impuissance. L’écrivain Mark Twain eu ce mot amusant : « Ma vie a été remplie de tragédies dont certaines ont vraiment eu lieu ». Si vous croyez ce que vous dit votre esprit, vous risquez de couler. Celui-ci se projette volontiers dans l’avenir en s’inquiétant à l’avance pour des évènements qui ne se sont pas encore produits, ou alors il rumine le passé. Pendant ce temps, vous passez à côté de l’instant présent, qui est le seul moment que vous ayez pour apprécier la vie. La pleine conscience, une pratique d’origine bouddhiste, consiste justement à concentrer son attention sur les sensations qui se présentent sur le moment. Dans mon centre, la clinique de réduction du stress, nous aidons les patients à réaliser que l’humain n’est pas qu’une machine à penser. Comme le disait le philosophe Pascal : « Le cœur a ses raisons que la raison ignore. »
Le Cerveau transformé par la méditation
« Cette nouvelle étude montre qu’après seulement deux semaines d’entraînement, des changements sont observés dans la densité axonale, ce qui signifie une augmentation des connexions entre les neurones, explique Michael Posner, professeur à l’université d’Oregon. Après quatre semaines, certaines zones du cerveau montrent en plus une augmentation de la myélinisation. » La myéline est l’élément de base de la gaine protectrice qui entoure les neurones et qui facilite la propagation de l’influx nerveux. La stimulation de sa production, grâce à la méditation, concerne surtout le cortex cingulaire antérieur – une zone dont le manque d’activation est associé aux déficits attentionnels ou encore à la dépression.
De multiples bénéfices cognitifs. Pour Michael Posner, d’autres formes de méditation de pleine conscience peuvent avoir les mêmes effets sur le cerveau. Nous sommes en train d’étudier les effets à long terme, mais il faut garder à l’esprit que seule la poursuite de l’entraînement permet de prolonger les bénéfices, et implique un temps minimum – une demi-heure par jour dans nos études. » Ces résultats viennent conforter d’autres travaux récents sur les effets de la méditation de pleine conscience. Britta Hölzel et ses collègues du Massachusetts General Hospital se sont intéressés à l’impact d’un entraînement de huit semaines. « C’est fascinant de constater des changements dans la structure même du cerveau en un temps aussi court, confirme la chercheuse. L’IRM révèle notamment une augmentation de la densité de substance grise dans l’hippocampe, connu pour son rôle dans l’apprentissage et la mémorisation. »
Témoignage
There are many types of meditation, so why did I opt for MBSR ? Two reasons. First, I liked that it’s taught in a secular context ; even though it’s based on some core principles of Buddhism, I did need any background knowledge to begin. Second, as someone wh wants to understand why Im doing something – especially when that thing is challenging – I liked the idea that there was scientific proof of its effectiveness. Because its curriculum is so consistent, it’s one of the most studied forms of meditation in the world.
L’objectif de ces exercices exigeants, répétés, parfois ingrats ? C’est là où l’affaire se corse, car il doit n’y en avoir aucun. Cette pratique est bénéfique pour à peu près tout, à condition de ne rien en attendre de particulier. Un paradoxe, dans un monde habitué à l’utilitarisme et au rendement immédiat.
La méditation comme antidote
Hors de toute croyance, la méditation s’est imposée comme un remède à une époque effrénée et ouvre de nouveaux horizons thérapeutiques.
Méditer pour se soigner. OU comment solliciter son « guérisseur intérieur », comme le qualifie le docteur Frédéric Rosenfeld, médecin psychiatre à la clinique Lyon Lumière et auteur de « méditer, c’est se soigner », (les Arènes, 2007).
Dans les traditions orientales, la méditation est une médecine du corps et de l’esprit. En Occident, elle a longtemps été exclue des cabinets médicaux, rejetée par les tenants du tout-antibiotique, réfractaires aux méthodes « douces ». Aujourd’hui, les scientifiques apportent la preuve qu’elle influe sur le cerveau et met en œuvre des mécanismes curatifs ou préventifs. Comment ? En faisant de chacun de nous un véritable sportif de l’esprit, capable de connaître et de vivre sinon de maîtriser : son cerveau, ses émotions, ses peurs et ses angoisses, sa capacité à poser, volontairement son attention sur tout ce qui compose l’expérience de l’instant présent. Ce qui nous permet d’adopter une posture mentale apte à résister à l’excès de stress, véritable fléau du XXIe siècle. En trente ans, les techniques millénaires de méditation pratiquées en Inde ou en Asie ont pénétré les sphères de la vie publique – hôpitaux, écoles, universités, prisons – et privée. Il aura fallu des siècles pour qu’on redécouvre l’art laïc de « regarder passer ses pensées ».
Jon Kazat Zinn – Il faut accepter l’anxiété
Christophe André – Cerveau Psycho